Une chronique filmée en couleurs noires et blanches...

Publié le par yoye2000

Je n'en menais pas large en revenant de la bibliothèque, l'autre jour, ramenant dans mon sac "La Salamandre", d'Alain Tanner. J'entendais déjà les sarcasmes de Moumoune2000 - j'ai un certain passif en matière de films foireux à haute prétention intellectuelle- et j'avais plus ou moins l'idée que ça n'allait pas être facile de caser un film suisse en noir et blanc de 71 de plus de 2 heures. Moi même, j'avais quelques doutes...
Ça a pris un peu de temps, mais finalement, avant-hier soir...


la salamandre Alain tanner bidault denis ogerLe film, nous apprend le générique, est "une chronique filmée en couleurs noires et blanches".
Voila qui plante le décor.
C'est simple, j'ai vraiment eu l'impression de découvrir quelque chose de nouveau. Pourtant, sur le papier, il n'y a rien de révolutionnaire. Si on devait décrire le film en quelques mots, on donnerait même dans le "néo-académisme" franchouille des années 90 (centré sur des personnages, sur leurs doutes, sur le décalage individu / société, les relations interpersonnelles... avec comme pièce maîtresse le langage (ou peut être plutôt l'art de la conversation)). Ca pourrait correspondre à des dizaines de films; ça, non ?
Sauf que ça n'a rien à voir...
 
La Salamandre, c'est Rosemonde, sensuelle, naïve, libre, quoi... i
l faut voir que Rosemonde a les traits intemporels de Bulle Ogier. Ca aide pour créer un personnage mutin et rebelle. Cette salamandre blonde
est entourée de Pierre le journaliste (formidable Jean-Luc Bidault, loin des rôles de boulevard qu'il se tape la plupart du temps) et Paul, le romancier (Jacques Denis, encore plus fantastique). Entourée certes, mais loin d'être cernée. Aussi libre d'eux que du reste, elle ne se laisse pas saisir. Le scénario que Paul et Pierre devaient construire autour de la Salamandre s'étiole à mesure qu'ils l'approchent et apprennent à la connaitre.
Mais attention, le sujet, ici, n'est pas le triangle amoureux, 2 hommes, 1 femme, chabadabada chabadaboum... On est après 68. Les jalousies, les passions, le désir... Rien à foutre ! Pas de quoi en faire un film.
Non, là on parle... Ben, de la vie, tout simplement. De la joie de vivre et de "fait ce qu'il te plait". Les couleurs noires et blanches sont multiples.

Dénonciation de la société suisse étriquée et obsédées par le fric du début des années 70(1), le film n'est pas à proprement parler une critique sociale ou même le "portrait d'une génération". C'est aussi un extraordinaire exercice de style en grande partie basé sur des dialogues malins et ironiques, soulignés par une voix off "omnisciente" et volontiers littéraire qui fait des pirouettes permanentes. Le tout avec la performance (rare) de ne pas être bavard et content de s'écouter.
Bon, je ne vais pas aller plus loin. Rien ne sert de vanter un film avec mes gros commentaires faits à la truelle, je sens que je passe à côté du film
Lecteur. Bouge-toi, et essaye de mettre la main dessus. Tu verras, c'est formidable.

On en parle mieux que moi ici :
http://archive.filmdeculte.com/film/film.php?id=760
http://www.critikat.com/La-Salamandre.html

florilège
(Rosemonde) avait manifestement peu de goût pour un métier où on gagne honnêtement, c'est à dire mal, sa vie, où l'on subit l'autorité de n'importe d'à peu près n'importe qui, où la liberté s'exprime dans le fait d'aller filmer une moitié de cigarette aux chiottes"
ou celui-là, d'actualité(?)
"Avant de crever, le capitalisme, dans sa perversité fondamentale, et la bureaucratie, dans son dogmatisme obtus, feront chier encore pas mal de monde!"
Le romancier au journaliste
"Un journaliste répète ce qu'il vient d'apprendre. Moi, j'essaye de découvrir le sens de j'ai déjà appris"
et enfin, le monologue "off" de la fin
"Nous étions aujourd'hui le 20 décembre. Les fêtes, comme ont dit, se faisaient menaçantes à l'horizon. La marchandise imposait ses lois à la foule qui partait à l'assaut des magasins. C'était l'époque de l'année où se remarquait le mieux une tendance marquée à la schizophrénie... Un phénomène qui tendait à affecter le corps social dans son entier"
Pas mal celui-là non ?
Mais attention, là, en me relisant, il me semble insister beaucoup sur l'aspect politique. En partie sûrement parce que c'est le plus facile à retranscrire. Mais ce n'est pas que ça !c'est avant un film de jouisseur, drôle subtil et ironique, dans le texte et les images. A voir, j'vous dis !

(1) On doit pouvoir changer le pays ou les années assez facilement.

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T
Et Moumoune 2000, elle en pense quoi ?<br /> Je prépare une thèse sur la conjugalité des nihilistes...
Répondre
Y
<br /> D'où c'est que je suis nihiliste là dedans ? je parle juste d'un film !<br /> <br /> <br />
T
Connais-tu ce site mon ami ?<br /> http://lefebvrotron.fr/
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Y
<br /> excellllllllllllllent. sanquiou !<br /> <br /> <br />
T
Tu veux dire en noir et blanc comme "Les ailes du désir" ?
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Y
<br /> euh non, pas celui-là... disons dans l'absolu, le noir et blanc des 400 coups, plus... il y a moins un parti pris esthétique un chouia factice qu'une volonté de simplicité...<br /> <br /> <br />